Depuis notre rencontre sur les bancs de l’Université en 2011, Sacha a expérimenté un tas de choses. La psychologie, le trading, puis devenu consultant en recrutement… Qui pourrait bien croire qu’il soit aujourd’hui passionné par l’aviation au point de vouloir en faire son métier ? Sacha nous fait le plaisir de se livrer et accrochez-vous, ça va voltiger !
Temps de lecture : 8 min 🙂
1) Est-ce que tu pourrais te présenter et nous raconter quel est ton parcours ?
Après l’obtention d’un bac en Sciences Techniques Industrielles spé. Electronique, je m’étais juré de ne plus aller à l’école. La scolarité que j’avais connue jusqu’à présent s’apparentait pour moi un peu comme une prison. En fait, le système éducatif ne me correspondait pas. Mon rêve, depuis toujours, c’était de devenir pilote d’avion.
Quand j’ai eu mon bac à 18 ans, j’ai tenté les pré-sélections dans l’Armée de Terre à Bordeaux et dans la Marine Nationale à l’EIP50S. C’est là que j’ai vécu mes deux premiers échecs professionnels. C’était la première fois où on me disait « non ». Et je me suis vraiment senti rejeté et frustré qu’on ne me laisse par aller où je voulais. S’en est suivi une traversée du désert d’un an, entre petits boulots et réflexion sur ce que je pouvais faire de ma vie…
À la découverte de la psychologie
J’ai fait le choix de suivre des études supérieures en psychologie, à l’Université Paul-Valéry de Montpellier III. Plus jeune, je m’interrogeais beaucoup sur ce qui pouvait façonner un individu et le pousser à faire tel ou tel choix. Avec le recul, je pense que cherchais des réponses, au même titre que la plupart des gens qui font le choix de s’engager dans cette voie. Les années passent, sans pour autant laisser tomber ce que j’avais entrepris dans ma quête des cieux. Plus tard, j’ai retenté une seconde fois les sélections à la Marine Nationale. J’étais alors à mi-chemin de mon master 1 en Psychologie du Travail et des Organisations. À ce moment-là, je suis convoqué et je traverse à nouveau la France. Nous étions 7 et seuls 2 ont été retenus. Un nouvel échec pour moi.
« Plus jeune, je m’interrogeais beaucoup sur ce qui pouvait façonner un individu et le pousser à faire tel ou tel choix. »
Je n’avais plus d’autre choix que de retourner à l’université pour terminer mon master. Et même si moralement et financièrement j’étais au plus bas, je ne voulais pas pour autant abandonner mon rêve de gosse. En parallèle de mes études, il fallait que je trouve une rentrée d’argent pour avoir un meilleur confort de vie, avec l’idée de m’auto-financer cette formation de pilote civil. Et là, avant de terminer ma maîtrise, j’ai eu l’idée de me lancer dans le trading ! Je me suis dit « Sacha, après tout, pourquoi pas toi ? ».
Bienvenue dans le monde du trading
En autodidacte, je me suis formé au trading pendant plusieurs mois en parallèle de mes vingt heures de cours. Au-delà de l’aspect financier, de la technique et des connaissances requises, je me suis rendu compte que le trading c’est de la psychologie. Lorsque t’es trader indépendant, seul chez toi, tu n’as pas de responsable pour t’arrêter. T’es tout seul, face à toi-même, avec tous les biais psychologiques qui vont avec. Grâce à cette expérience, j’ai aussi compris les limites du système capitaliste dans lequel nous vivons. Et malheureusement dans notre société actuelle, bien souvent le profit dépasse de loin la raison des hommes.
En 2016, j’obtiens ma maîtrise de psychologie et décide de diversifier mon parcours en école de commerce avec un MBA en Management des Ressources Humaines. Je trouve une alternance à Paris dans un cabinet de recrutement en tant que chargé de recrutement. Soulagement, la stabilité approche. Entre les aller-retours Paris-Montpellier et le manque de temps, j’arrête le trading. L’année passe, j’ai de bons résultats et je suis embauché en tant que consultant en recrutement. Un rythme de travail soutenu mais des rencontres passionnantes, le pouvoir de changer des vies, d’apprendre des autres et de me révéler moi-même.
Consultant en recrutement, oui mais pourquoi ?
Après deux ans et demi dans le recrutement, la routine commençait à prendre le dessus. J’avais envie de voir autre chose. L’appel des cieux était plus fort. J’apprends à ce moment-là qu’Air France recherche des pilotes et que la sélection Cadets d’Air France a ré-ouvert après 10 ans de sommeil. C’est trop beau, je me dois de tenter le coup ! Je quitte mon poste en CDI fin 2018 pour passer les sélections de pilote de ligne chez Air France, et là, nouvel échec…
Heureusement j’ai les finances nécessaires pour rebondir et commencer ma formation dans le civil, à mes frais. Je saute le pas, je m’inscris dans un aéroclub proche de Paris et entame ma formation de pilote. Je touche enfin du doigt mon rêve de gosse : voler. Après seulement 7 heures de vol, je suis lâché en solo à bord de mon avion. Un immense sentiment de liberté et d’accomplissement se dégage en moi, c’était incroyable.
Vers une quête du sens au travail
Un beau jour, j’ai l’opportunité d’intégrer une Entreprise de Service Numérique (ESN) afin d’y être partenaire d’affaires et chasseur de têtes dans les technologies de l’information. Je n’ai plus de prospection, de négociation ou d’administration du personnel mais que de la chasse pur de profils tech, et la gestion de prestataires de services. Néanmoins, il s’agit là d’un beau challenge, les canaux de communication et l’approche des candidats sont différents dans le secteur des technologies de l’information que dans celui du tertiaire et des fonctions supports.
La formation de pilote professionnel étant très onéreuse (entre 25 000 et 70 000€), j’accepte en me disant que je pourrais toujours continuer à voler le week-end. Après six entretiens, me voilà au sein de ma nouvelle boite. Seulement voilà, deux semaines après ma prise de poste, les effectifs sont réunis et on nous annonce le rachat de l’entreprise par un autre groupe. « Quel était l’intérêt de me recruter si c’est ensuite pour revendre ? ».
Au fil des mois, l’ambiance se dégrade, les tâches deviennent répétitives et la direction n’est plus présente au quotidien. « Je ne suis qu’un simple maillon de la chaîne ». Ce modèle ne me convient plus. Au même moment, je fais un brown-out, ou perte totale de sens au travail.
Un mal très répandu dans les métiers de la Finance, de la Communication et des IT dans un monde où tout dématérialisé et où l’on ne distingue plus l’importance de son travail.
Un nouveau départ, finalement retardé…
Je quitte donc mon boulot, et lors d’une soirée avec d’anciens collègues, un couple d’amis me parle du Canada et de leur souhait de repartir à zéro là-bas. C’est quelque chose que je prévoyais depuis plusieurs années, sans pour autant passer à l’action… Là, je suis célibataire depuis peu, sans attache et j’en ai marre de Paris ! Je me lance, quitte à finir ma formation de pilote sur place en parallèle d’un job. Un mois plus tard, j’obtiens mon permis de travail pour venir travailler au Canada pour 2 ans.
C’est un nouveau tournant dans ma vie. Je vide mon appartement, résilie mes assurances, mes abonnements et 4 jours avant de m’envoler pour Montréal, les frontières internationales ferment. C’est le début de la crise du Covid 19…
« Travailler pour vivre, pas vivre pour travailler. »
Confiné, j’en profite pour faire le point avec moi-même, sans aucune certitude sur l’avenir… Le secteur de l’aérien va très mal, de nombreux collègues et amis que je connais ont perdu leur emploi des suites de la crise. Mais une chose est sûre, je souhaite redonner du sens à ma vie en faisant les choses que j’aime par-dessus tout, plutôt que pour un salaire. Travailler pour vivre, pas vivre pour travailler.
Finalement, tout ce que j’ai entrepris jusqu’à maintenant n’a été qu’un moyen d’atteindre cet aboutissement qui n’est autre que de celui de pouvoir un jour voler. À terme, j’aimerais travailler dans l’humanitaire en tant que bush pilot traduisez « pilote de brousse », dans une petite compagnie aérienne à livrer des marchandises dans des endroits reculés au Canada. Venir en aide aux populations locales en assurant la logistique aérienne. En bref, partir à l‘aventure.
2) Quels sont les enjeux et les challenges en tant que consultant en recrutement ?
Lorsque l’on est consultant en recrutement, l’enjeux principal est de parvenir à une double satisfaction entre le client et le candidat. Il s’agit de faire des heureux, en créant des rencontres, qui match tant techniquement sur le papier que sur le plan personnel. On parle là des soft skills ou savoir-être, qui font réellement la différence en entretien.
En tant que professionnel du recrutement, il est absolument nécessaire de s’intéresser à nos interlocuteurs, qu’ils s’agissent de nos clients ou de nos candidats. Personnellement, j’ai toujours eu une approche transparente dans ma façon d’échanger avec mes interlocuteurs. On se doit d’avoir une connaissance approfondie du marché de l’emploi et des tendances du secteur.
« L’aspect humain est hyper important et doit rester au centre des initiatives. »
Enfin, il s’agit également d’être à la fois le coach et l’ambassadeur de nos interlocuteurs. Notamment en les sensibilisant aux transformations propres au marché de l’emploi. L’aspect humain est hyper important et doit rester au centre des initiatives.
3) Qu’est-ce qui te motive le plus dans cette activité professionnelle ?
C’est clairement un tout. L’autonomie, le niveau de responsabilité confié et le challenge permettent de rester en mouvement et d’avoir l’esprit occupé. Qu’on le veuille ou non, tout va très vite en cabinet et on se doit d’être bien souvent sur plusieurs fronts à la fois pour pourvoir satisfaire tout le monde.
J’ai besoin d’avoir l’esprit stimulé en permanence. C’est un milieu qui est extrêmement dynamique, souvent exercé en open-space avec plein d’énergie. Il y a aussi le côté « montagne russe émotionnelle » qui est à double tranchant mais intéressant sur le plan psychologique.
« Leur parcours de vie m’intéressait tellement que j’avais toujours envie d’en apprendre plus sur eux et sur leurs expériences. »
Quotidiennement on passe par pleins de stades émotionnelles qu’on se doit de comprendre et de gérer. Autrement on peut devenir taré. Ce que j’aime par-dessus tout, c’est le fait de pouvoir changer des vies et bousculer les destins. J’ai beaucoup appris sur moi-même et sur les différents candidats que je rencontrais. Parfois, je passais plusieurs heures en entretien. Leur parcours de vie m’intéressait tellement que j’avais toujours envie d’en apprendre plus sur eux et sur leurs expériences.
4) Comment fais-tu pour trouver un équilibre entre ton activité professionnelle et tes projets personnels ?
Jusqu’à maintenant, j’ai toujours fait la part des choses. Et une chose est sûre, je ne fais jamais passer ma santé après le travail. Il y a quelques années, j’ai rencontré une candidate de 45 ans qui occupait un poste à la direction d’une enseigne internationale dans le tourisme depuis 15 ans. Elle me disait qu’elle n’avait jamais concrétisé un projet personnel qui lui tenait à cœur simplement parce qu’elle ne faisait que travailler. Elle était constamment sous pression à cause de ses objectifs, finissait ses journées parfois à 22h et travaillait 6 jours sur 7.
En fait, elle était prise dans un engrenage infernal qui la poussait à travailler sans cesse, à produire toujours plus, sans même penser à elle. Sa vie lui semblait déjà derrière elle. « Je regrette » me disait-elle.
« S’il s’agit d’une vocation, que l’on arrive à allier passion et travaille, c’est le grand chelem. Pour moi, c’est l’aboutissement de toute une vie, l’accomplissement personnel ultime. »
J’ai eu des échanges similaires avec d’autres candidats et ce sont des choses qui font réfléchir. C’est aussi ce qui peut nous pousser à revoir nos priorités. La carrière ou le bien être ? Pourquoi pas les deux ? S’il s’agit d’une vocation, que l’on arrive à allier passion et travaille, c’est le grand chelem. Pour moi, c’est l’aboutissement de toute une vie, l’accomplissement personnel ultime.
5) Est-ce que tu considères qu’apprendre à mieux se connaître est bénéfique pour mieux vivre ?
Complètement. Je pense qu’on débarque ici sur cette Terre, pour vivre des expériences et ça implique donc de traverser un certain nombre d’épreuves qu’elles soient bonnes ou mauvaises – c’est le fondement même de l’existence.
Il se trouve que c’est toujours dans l’adversité que l’on apprend, et jamais dans la facilité. C’est l’expérience vicariante qui nous forge. Apprendre à se connaitre, c’est aussi découvrir son potentiel pour accomplir de grandes choses ou en tout cas, des choses à notre image.
6) Dans ton quotidien de consultant en recrutement, qu’est-ce qui t’aide à prendre les décisions justes et à avoir confiance en toi ?
Je suis quelqu’un de très réfléchi, qui a tendance à voir les choses de loin, en anticipant toute éventualité tel un joueur d’échec. Que ce soit dans le recrutement ou dans ma vie personnelle, j’évalue les risques et les gains, comme en trading, pour ne pas sombrer dans l’affect quand un évènement ne tourne pas en ma faveur.
Il faut du détachement pour ne pas se retrouver dos au mur face à une avalanche d’émotions à gérer. Je pense qu’en plus de réduire le stress, ça m’apporte de la sérénité et du réconfort sur le long terme de raisonner ainsi.
7) Pour continuer à évoluer sur le plan personnel et professionnel, quelles sont tes aspirations ?
La solution la plus simple serait de poursuivre dans le recrutement au Canada. Quitte à choisir, autant que ce soit dans le secteur de l’aéronautique en alliant l’utile à l’agréable. Et ceci, tout en continuant ma formation de pilote là-bas. C’est un scénario, je ne suis pas non plus contre l’idée de me réinventer totalement en allant travailler au Canada. Là-bas, il est plus facile de se réinventer sur le plan professionnel. La sécurité de l’emploi étant moindre, les employeurs sont plus enclins à te laisser ta chance, même sans diplôme, chose rendue quasiment impossible en France…
« La vie, c’est des expériences bonnes ou mauvaises, des rencontres, des opportunités. »
Idéalement, j’aimerais finir ma licence de pilote en France en y ajoutant quelques qualifications supplémentaires. Puis la convertir dans le but de passer ma licence de pilote commercial au Canada, pour pouvoir vivre de ma passion.
8) À toutes les personnes qui découvrent ton parcours de vie et qui cherchent à construire leur propre chemin, qu’aimerais-tu leur dire ?
Osez, essayez et vous verrez. Si cela ne marche pas, au moins vous aurez essayé et ce sera sans regret. Il n’y a rien de pire que de vivre avec des regrets, avec des « si j’avais su… » ou des « j’aurais dû… ». Personnellement, la chose qui me fait le plus rire c’est quand j’entends ô combien il est nécessaire, d’après la génération X, de bosser dur, même dans un emploi qui ne te plais pas plus que ça. Sans quoi tu n’auras pas une belle retraite.
La vie et la liberté ne commencent pas à partir de la retraite. Bien que vieillot, ce modèle sociétal est toujours bien ancré en France. L’idée du CDI à 30 ans, un plan de carrière établi, une vie de famille, une maison, un labrador… La vie, c’est des expériences bonnes ou mauvaises, des rencontres, des opportunités. Ici en France ou ailleurs, tout est possible à tout un chacun.
➡️ Avant de terminer, j’aimerais te proposer le jeu du portrait chinois ! C’est un jeu littéraire qui permet d’en savoir plus sur ta personnalité. Prêt ? 🎭
Si tu étais un animal, lequel et pourquoi ? L’aigle royal 🦅 je ne dirais pas qu’il est majestueux et cool, mais il est majestueux et cool
Un super héros : Superman ✊ ne me demandez pas pourquoi
Un super pouvoir : voler 😅 facile celle-là
Un défaut : l’exigence 🤨 je peux être assez dur envers moi-même
Une qualité : l’audace 👣 ne pas se fixer de barrières, oser
Et la citation qui te caractériserait le mieux ? « Nothing ventured, nothing gained. » – John Heywood ( Rien d’entrepris, rien de gagné)